Préface
Ce document constitue la troisième édition de la CSA N288.1, Guide de calcul des limites opérationnelles dérivées de matières radioactives dans les effluents aériens et liquides lors de l'exploitation normale des installations nucléaires. Il remplace les éditions précédentes publiées en 2008 et en 1987.
Cette édition a été actualisée afin d'améliorer l'applicabilité du guide. Les principales modifications apportées à cette édition sont, notamment
a) une mise à jour des éléments suivants :
(i) les dépenses d'énergie et taux d'ingestion alimentaire pour les humains ;
(ii) les périodes de demi-vie radioactives, les énergies gamma et les rendements photoniques pour tous les radionucléides ;
(iii) les valeurs d'un grand nombre de paramètres, pour les harmoniser à la nouvelle édition du manuel de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIÉA) intitulé Handbook of parameter values for environmental transfers of radionuclides (AIÉA, 2010) ;
(iv) les données relatives à la direction du vent et aux précipitations pour la modélisation des dépôts humides ; et
(v) le modèle d'activité spécifique pour le tritium chez les animaux ;
b) l'introduction d'un modèle applicable au gibier d'eau à plumes comme source additionnelle d'exposition humaine par ingestion ;
c) l'élargissement du modèle d'activité spécifique du C-14 au transfert des plantes aux animaux ;
d) l'ajout d'équations visant le calcul explicite de la désintégration et de la croissance dans tous les milieux physiques ; et
e) une amélioration des indications permettant de mieux savoir quand utiliser le guide pour le calcul des LOD pour les rejets intermittents.
Les utilisateurs de ce guide doivent se rappeler que le choix du site, le calcul, la fabrication, la construction, l'installation, la mise en service, l'exploitation et le déclassement des installations nucléaires au Canada sont des activités régies par la Loi sur la sûreté nucléaire et ses règlements.
La CSA N286 énonce des lignes directrices générales à l'intention des directions d'établissements afin de les aider à élaborer et mettre en oeuvre de saines pratiques de gestion et de solides mécanismes de contrôle, tandis que les autres normes du Groupe CSA du domaine énoncent des exigences et lignes directrices techniques à l'appui des systèmes de gestion. Ce guide peut être utilisé avec la CSA N286 et ne reproduit par les exigences générales énoncées dans la CSA N286. Toutefois, il peut apporter des précisions aux exigences de la CSA N286.
Introduction
0.1 Limite opérationnelle dérivée (LOD)
La LOD d'un radionucléide donné correspond au taux de rejet qui ferait en sorte qu'un individu du groupe surexposé recevrait une dose engagée égale à la limite de dose annuelle réglementaire suite au rejet du radionucléide dans l'air et dans les eaux de surface au cours de l'exploitation normale d'une installation nucléaire pendant une année civile. La dérivation de la LOD s'effectue à l'aide d'équations mathématiques qui décrivent le transfert de matières radioactives par l'environnement aux humains. Elle tient compte de l'ensemble des voies d'exposition, notamment de l'exposition externe due à l'immersion dans de l'air et de l'eau contaminés, de l'exposition externe imputable à des sols et à des plages contaminés, et de l'exposition interne imputable à l'inhalation et à l'ingestion de radioactivité. Les LOD sont habituellement utilisées de façon prospective pour établir les limites de rejet de radionucléides particuliers, mais le modèle de voies de pénétration décrit dans ce guide peut être adapté àd'autres applications comme l'estimation des doses annuelles au public.
0.2 Historique du guide
Le Groupe CSA a publié, en 1987, la CSA N288.1 afin de fournir un guide et une méthode de calcul des LOD des rejets courants de radionucléides dans l'air et dans les eaux de surface par les installations nucléaires. D'importants progrès scientifiques ont été réalisés depuis 1987 en matière de dosimétrie et dans la compréhension du comportement des radionucléides dans l'environnement ; 'industrie nucléaire canadienne a donc reconnu de façon unanime que les modèles et les données contenus dans la CSA N288.1 devaient être mis à jour. La révision s'est d'abord traduite, en l'an 2000, par la production d'un document d'orientation sur les LOD à l'intention de la compagnie Ontario Power Generation (OPG). Ce document visait plus particulièrement à calculer les LOD des centrales nucléaires CANDUMD situées dans le sud de l'Ontario (c.-à-d., Bruce, Pickering et Darlington). En 2006, le Groupe des propriétaires de CANDU (GPC) en a étendu l'application à l'ensemble des installations nucléaires CANDU au Canada, y compris aux centrales nucléaires de Gentilly (G-2) et de Point Lepreau, et aux Laboratoires de recherche de Chalk River (CRL). Ce document (Hart, 2008) a servi de base à la deuxième édition de ce guide et comprenait des références jugées trop détaillées pour le guide. La majorité des modèles et des valeurs des paramètres contenus dans la première édition de ce guide ont été mis à jour, et de nouvelles voies d'exposition ont été ajoutées en vue de la deuxième édition, publiée en 2008. Les utilisateurs du guide ont ensuite relevé bon nombre de petites erreurs qui ont été corrigées sous la forme d'une modification publiée en juillet 2011.
0.3 Pertinence d'une nouvelle édition
En raison du manque de temps, de ressources et d'informations, il n'a pas été possible au moment de l'élaboration de la deuxième édition de mettre en oeuvre toutes les modifications qui avaient été jugées souhaitables. Ces modifications ont été mises de côté afin que la deuxième édition puisse être publiée en temps opportun. Les travaux concernant les modifications mises de côté se sont poursuivis et ont fait l'objet de projets de recherche financés par le GPC. Les résultats de ces recherches sont à la base de la plupart des améliorations apportées à cette troisième édition. Le document de référence du GPC (Hart, 2008) a été revu en même temps que le comitétravaillait à la troisième édition ; la nouvelle version est maintenant appelée le Derived Release Limits Guidance ou OLG (Hart, 2013).
0.4 Modifications apportées dans cette édition
La nouvelle édition du guide se distingue principalement de l'édition précédente par les points suivants :
a) mise à jour des dépenses d'énergie et taux d'ingestion alimentaire pour les humains ;
b) mise à jour des périodes de demi-vie radioactives, des énergies gamma et des rendements photoniques pour tous les radionucléides ;
c) mise à jour des valeurs d'un grand nombre de paramètres pour les harmoniser à la nouvelle édition du manuel de l'Agence internationale de l'énergie atomique intitulé Handbook of parameter values for environmental transfers of radionuclides (AIÉA, 2010) ;
d) amélioration des indications permettant de mieux savoir quand utiliser le guide pour le calcul des LOD pour les rejets intermittents ;
e) amélioration des données relatives à la direction du vent et aux précipitations utilisées dans le modèle de calcul des dépôts humides ;
f) introduction d'un modèle applicable au gibier d'eau à plumes comme source additionnelle d'exposition humaine par ingestion ;
g) élargissement du modèle d'activité spécifique du carbone-14 (C-14) au transfert des plantes aux animaux ;
h) amélioration du modèle d'activité spécifique visant la teneur en tritium chez les animaux, y compris une mise à jour et un élargissement des fractions des sources d'ingestion d'eau pour les aliments frais et secs ; et
i) ajout d'équations visant le calcul explicite de la désintégration et de la croissance des radionucléides de filiation dans tous les milieux physiques, comme alternative aux coefficients de dose incluant la descendance.
Note : CANDU (CANada Deutérium Uranium) est une marque de commerce déposée d'Énergie atomique du Canada limitée (EACL).
Domaine d'application
1.1 Installations
Ce guide et le DLG s'appliquent surtout aux centrales nucléaires CANDU au Canada. Les radionucléides et les voies de pénétration dans l'environnement dont elles traitent permettent toutefois de l'appliquer aux rejets de nombreuses autres installations nucléaires, notamment de réacteurs de recherche, d'installations de retraitement des radio-isotopes, d'installations de traitement des déchets telles que les incinérateurs, ainsi que de réacteurs de puissance autres que CANDU, sous réserve des limites indiquées aux articles 1.2 à 1.8. Les radionucléides dont il est question ici (voir l'article 4.3) limitent l'application à d'autres types d'installations comme les usines de fabrication de combustible et les raffineries. Il est possible d'adapter ce guide à certains besoins d'installations semblables, mais il faudra sans doute utiliser d'autres modèles ou méthodes pour les autres installations. Cependant, ni les radionucléides ni les modèles abordés dans ce guide ne sont suffisamment complets pour englober les rejets de sources comme les mines et les usines de concentration d'uranium, les installations permanentes de gestions des déchets dans des formations géologiques et autres installations où une modélisation complète des voies de pénétration dans les eaux souterraines s'impose.
1.2 Voies des rejets
Le guide traite des rejets dans l'atmosphère et dans les eaux de surface (eau douce et eau de mer). Elles ne portent pas sur les rejets dans les eaux souterraines, mais prennent en compte les transferts d'autres milieux vers les puits d'eaux souterraines et les étangs. L'irradiation gamma directe due à la radioactivité présente dans l'installation n'est pas modélisée parce qu'elle ne sous-entend pas un rejet.
1.3 Durée des rejets
Les méthodes décrites dans ce guide visent particulièrement les émissions de faible intensité courantes et continues. Elles s'appliquent également aux rejets périodiques de courte durée (voir l'article 8.2), dans la mesure où :
a) les rejets sont contrôlés et liés à une exploitation normale ;
b) le taux de rejet est sensiblement le même d'un évènement à l'autre ;
c) la durée totale des rejets dans l'atmosphère dépasse environ 1000 heures dans l'année ; au moins un ou deux rejets dans l'eau se produisent pendant chaque mois de l'année ; et
d) les rejets surviennent au hasard au fil du temps.
Si l'alinéa d) n'est pas respecté, mais si on sait que les rejets surviennent généralement à un moment donné de la journée ou de l'année, ce guide ne s'applique que si les concentrations dans l'air ou dans l'eau sont calculées à partir des données météorologiques ou hydrologiques en vigueur à ce moment-là.
Notes :
1) Si le calcul des rejets non aléatoires se fait à partir de données opportunes et pertinentes, il est alors possible d'assouplir les conditions quant à la fréquence des rejets.
2) Les rejets non conformes à ces conditions peuvent employer un autre modèle, notamment celui que spécifie la CAN/CSA-N288.2 au sujet des rejets dans l'atmosphère.
3) Certaines installations produisent des rejets intermittents de façon prévisible comme des pointes dans un rejet continu. Ces rejets peuvent être considérés comme faisant partie des émissions courantes et inclus dans la LOD sans traitement spécial si l'activité nucléaire totale émise de façon intermittente est inférieure d'environ 30 % aux émissions totales de l'installation. Cette réduction de 30 % représente une petite fraction de l'incertitude globale des estimations de LOD.
1.4 Contaminants
Ce guide s'applique aux effets des rayonnements des radionucléides, et non pas aux produits chimiques ou à la toxicité chimique des radionucléides.
1.5 Récepteurs
Le calcul des LOD s'applique à une personne représentative possédant les caractéristiques moyennes d'un groupe d'individus qui, en raison de leur lieu d'habitation et de leurs modes de vie, risquent d'être soumis aux expositions les plus élevées à un radionucléide donnéémis par une source précise (voir l'article 4.2). En maintenant les taux de rejet à des niveaux très inférieurs à la LOD, la dose annuelle reçue par ces individus (et donc par tous les membres du public) sera inférieure aux limites réglementaires. Ce guide ne s'applique pas aux travailleurs du secteur nucléaire (TSN), ni aux personnes qui oeuvrent dans une installation nucléaire sans être des travailleurs du secteur nucléaire, qui bénéficient de programmes de radioprotection sur place. Les LOD calculées à l'aide des modèles décrits dans ce guide s'appliquent uniquement aux critères d'évaluation humains ; les biotes non humains ne sont pas touchés.
1.6 Distance sous le vent minimale pour être valide
Ce guide ne s'applique pas aux récepteurs situés à proximité d'une source soumise à la turbulence produite par un bâtiment, parce que le modèle de dispersion atmosphérique ne simule pas le creux qui se forme du côté sous le vent du bâtiment. Comme le creux s'étend sur environ trois hauteurs de bâtiment sous le vent, ce guide ne s'applique qu'au-delà de cette distance. En outre, au-delà d'une distance d'environ 20 km de l'installation, il faudrait se montrer prudent dans l'utilisation du modèle de dispersion, car l'hypothèse de conditions météorologiques stables implicite dans le modèle devient moins valide à de plus grandes distances. Dans la pratique, ceci ne pose pas réellement un problème puisque la personne représentative se trouve habituellement à moins de 20 km de l'installation.
1.7 Régiospécificité
On devrait utiliser le plus possible les valeurs locales des paramètres pour calculer les LOD relatives à un site spécifique. À défaut de valeurs locales, les valeurs par défaut que fournit ce guide pour la région située à proximité du site en cause peuvent être utilisées. Ces valeurs régionales représentent les conditions propres aux principaux sites nucléaires au Canada (c.-à-d., Pickering/Darlington, Bruce, LCR, G-2 et Point Lepreau), mais elles peuvent être considérées comme des valeurs par défaut pour les régions du sud, de l'ouest et de l'est de l'Ontario, du Québec et des provinces maritimes respectivement.
1.8 Niveau de complexité
1.8.1 Approches simplifiées
Les modèles décrits dans ce guide sont complets et comprennent, dans certains cas, une quantitéconsidérable de détails. Un tel niveau de complexité n'est pas nécessairement justifié pour toutes les évaluations. Des approches moins complexes, sous-entendant un moins grand nombre de voies de pénétration ou de détails, peuvent convenir dans certaines circonstances. On peut ne pas tenir compte d'une voie de pénétration qui, selon toute évidence, contribue très peu à la dose totale. Des modèles simplifiés comme ceux que décrit le Rapport de sûreté série n° 19 de l'AIÉA peuvent alors être utilisés, pourvu que l'on justifie l'utilisation d'une approche simplifiée.
Note : Il n'est pas nécessaire, par exemple, de prendre en compte les points suivants :
a) les radionucléides qui ne sont pas émis par le site en cause ; et
b) les voies de pénétration liées à des puits qui ne constituent pas une source d'eau pour les membres du public demeurant à proximité du site.
1.8.2 Paramètres de transfert par défaut
Il existe une approche simplifiée pour appliquer ce guide sans mise en oeuvre des modèles. L'annexe A énumère les paramètres de transfert par défaut pour chaque radionucléide de chaque voie de pénétration prévue dans le modèle, de même que les hypothèses adoptées au moment du calcul des valeurs. Si les hypothèses conviennent àl'application en question, ces valeurs par défaut peuvent servir à évaluer les LOD sans mettre en oeuvre le modèle lui-même, comme le démontre l'annexe B. Cette mesure permet d'accéder sans problème à l'ensemble des modèles et des valeurs des paramètres mentionnés dans ce guide. Comme le calcul des valeurs des paramètres par défaut a permis l'établissement d'hypothèses prudentes, les valeurs de LOD calculées selon cette approche seront plus prudentes que celles obtenues à l'aide du modèle.
1.9 Terminologie
Dans ce guide, le terme devrait indique une recommandation ou ce qu'il est conseillé mais non obligatoire de faire et peut indique une possibilité ou ce qu'il est permis de faire.